vendredi 16 décembre 2016

Dépeuplement des maisons : détresse social et projets d’avenir

Lotfi Nafi


En 2013, on dénombrait au Japon pas moins de 8,2 millions de maisons inhabitées akiya (空き家, 空き= vide = maison,). Cela correspond à 13,5% des maisons individuelles japonaises. Et ce chiffre ne cesse d’augmenter.


En premier lieu, on retrouve une particularité japonaise concernant le rapport à l’immobilier. Dans le pays du séisme jishin rettô (地震 = séisme, 列島= archipel), l’attachement aux bâtiments anciens est impossible. L’offre est constamment renouvelée et les bâtiments ont en moyenne une durée de vie de trente ans. De plus, après la guerre le gouvernement a encouragé les japonais à obtenir des logements individuels, notamment à travers la fiscalité, et cela a engendré la construction de nombreux logements.

Dans un second temps, on observe un réel fossé entre d’un côté les générations sedai (世代 de la guerre), senzen (戦前 d’avant-guerre) et sengo (戦後d’après-guerre) et de l’autre les nouvelles générations japonaises. Les générations les plus vieilles, culturellement, sont attachées à une vision traditionnelle de la maison individuelle et de la famille. Alors qu’on observe au sein des générations plus jeunes une tendance à préférer vivre en milieu très urbain, et ce malgré le manque d’espace. L’une des raisons qui justifie ce choix est économique : les maisons individuelles de banlieue sont souvent très cher foncièrement et à l’entretient.

Enfin, ce problème de logement japonais jûaku mondai (jûaku 住宅= logement, mondai問題=problème) apparaît comme une conséquence d’un des problèmes nippon les plus importants : le déclin de sa population. En effet, un tiers du japon actuel est âgé de plus de 65 ans, tendance appelée en japonais rôreika (老齢化), et avec 1,4 enfant par femme l’accroissement japonais est le plus bas au monde : -0.16%, phénomène appelée shôshika (少子化).

Face à ce problème, le premier ministre Shinzo Abe a déclaré vouloir faire du maintien de la population japonaise au-dessus de la barre symbolique des 100 millions, une priorité de sa politique. Par exemple, allocations des enfants, gratuité des pédiatres sont des mesures prises par le gouvernement pour la région de Tokyo shutoken (首都圏, = zone,首都 = capitale).

Certaines villes commencent déjà à se mobiliser pour lutter contre le phénomène. La ville de Kawasaki a ou Osaka ont d’ores et déjà pris des initiatives innovantes afin de gérer le problème. Elles ont créé un système de banque intermédiaire, en japonais akiya banku (空き家バンク, littéralement banque des maisons vides) entre les propriétaires et les potentiels bailleurs ou acheteurs facilitant les achats ou la location de ces lieux pour l’organisation de réceptions.

A Kyoto, on rachète et on rénove les anciennes maisons traditionnelles dans le but de les reconvertir en divers centres culturels ou sportifs. A Fukui, la mairie propose un concours aux étudiants en urbanisme. Ils présentent leur projet de rénovation et de reconversion de ces maisons abandonnées : akiya saisei projekuto (空き家再生プロジェクト). En partenariat avec des spécialistes locaux, les gagnants pourront réaliser leur projet et constituer une solide expérience. Autour de l’ancien port miliaire de la ville de Yokosuka, des étudiants de l’université de la ville ont mené un projet de rénovation des nombreux logements abandonnés. Soutenu par la mairie, l’université ( Kantôgakuin en japonais ) et des architectes locaux, ils ont reconverti en Share House ( シェアハウス) permettant le logement gratuit de touristes ou de personnes en difficulté.

La société japonaise fait face à un problème démographique sans précédent, auquel vient s’ajouter une fracture culturelle entre une population vieillissante et les nouvelles générations. Malgré tout, les municipalités et le gouvernement tentent de trouver des solutions originales pour s’occuper de l’avenir du pays.

Sources :



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