Lotfi Nafi
En 2013, on dénombrait au Japon pas
moins de 8,2 millions de maisons inhabitées akiya (空き家,
空き=
vide 家=
maison,). Cela correspond à 13,5% des maisons individuelles
japonaises. Et ce chiffre ne cesse d’augmenter.
En premier lieu, on retrouve une
particularité japonaise concernant le rapport à l’immobilier.
Dans le pays du séisme jishin rettô (地震
= séisme, 列島=
archipel), l’attachement aux bâtiments anciens est impossible.
L’offre est constamment renouvelée et les bâtiments ont en
moyenne une durée de vie de trente ans. De plus, après la guerre
le gouvernement a encouragé les japonais à obtenir des logements
individuels, notamment à travers la fiscalité, et cela a engendré
la construction de nombreux logements.
Dans un second temps, on observe un
réel fossé entre d’un côté les générations sedai (世代
de la guerre), senzen
(戦前
d’avant-guerre) et
sengo (戦後d’après-guerre)
et de l’autre les nouvelles générations japonaises.
Les générations les plus vieilles, culturellement, sont
attachées à une vision traditionnelle de la maison individuelle et
de la famille. Alors qu’on observe au sein des générations plus
jeunes une tendance à préférer vivre en milieu très urbain, et ce
malgré le manque d’espace. L’une des raisons qui justifie ce
choix est économique : les maisons individuelles de banlieue
sont souvent très cher foncièrement et à l’entretient.
Enfin, ce problème de logement
japonais jûaku mondai (jûaku 住宅=
logement, mondai問題=problème)
apparaît comme une conséquence d’un des problèmes nippon les
plus importants : le déclin de sa population. En effet, un tiers du
japon actuel est âgé de plus de 65 ans, tendance appelée en
japonais rôreika (老齢化),
et avec 1,4 enfant par femme l’accroissement japonais est le plus
bas au monde : -0.16%, phénomène appelée shôshika
(少子化).
Face à ce problème, le premier
ministre Shinzo Abe a déclaré vouloir faire du maintien de la
population japonaise au-dessus de la barre symbolique des 100
millions, une priorité de sa politique. Par exemple, allocations des
enfants, gratuité des pédiatres sont des mesures prises par le
gouvernement pour la région de Tokyo shutoken (首都圏,
圏 =
zone,首都 =
capitale).
Certaines villes commencent déjà à
se mobiliser pour lutter contre le phénomène. La ville de Kawasaki
a ou Osaka ont d’ores et déjà pris des initiatives innovantes
afin de gérer le problème. Elles ont créé un système
de banque intermédiaire, en
japonais akiya banku (空き家バンク,
littéralement banque des maisons vides) entre les propriétaires et
les potentiels bailleurs ou acheteurs facilitant les achats ou la
location de ces lieux pour l’organisation de réceptions.
A Kyoto, on rachète et on rénove
les anciennes maisons traditionnelles dans le but de les reconvertir
en divers centres culturels ou sportifs. A Fukui, la mairie propose
un concours aux étudiants en urbanisme. Ils présentent leur projet
de rénovation et de reconversion de ces maisons abandonnées :
akiya saisei projekuto (空き家再生プロジェクト).
En partenariat avec des spécialistes locaux, les gagnants
pourront réaliser leur projet et constituer une solide expérience.
Autour de l’ancien port miliaire de la ville de Yokosuka, des
étudiants de l’université de la ville ont mené un projet de
rénovation des nombreux logements abandonnés. Soutenu par la
mairie, l’université ( Kantôgakuin en japonais ) et des
architectes locaux, ils ont reconverti en Share House ( シェアハウス)
permettant le logement gratuit de touristes ou de personnes en
difficulté.
La société japonaise fait face à
un problème démographique sans précédent, auquel vient s’ajouter
une fracture culturelle entre une population vieillissante et les
nouvelles générations. Malgré tout, les municipalités et le
gouvernement tentent de trouver des solutions originales pour
s’occuper de l’avenir du pays.
Sources :
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