mercredi 7 janvier 2015

Ernesto et Hugo, parce qu'ils le valent bien ?

Ernesto et Hugo,
parce qu'ils le valent bien ?

Lucie Petitprez et Gabriel Vallejo




    En septembre dernier, lors de son congrès international à La Havane, le laboratoire pharmaceutique de l'Etat LABIOFAM a annoncé la sortie prochaine de Ernesto et Hugo,  deux parfums "révolutionnaires" en hommage à l'ancien président vénézuélien Hugo Chávez et au leader guerillero Ernesto “Che” Guevara. 
     Qui n'a jamais rêvé, lors d'une soirée de gala, de porter Hugo aux arômes d'agrumes et de fruits tropicaux ou encore faire tourner la tête de ces dames grâce au parfum Ernesto, boisé et doux ? Malheureusement, ces fragrances pleines de virilité ne verront jamais le jour, suite à la décision sans appel du gouvernement cubain d'interdire leur commercialisation normalement prévue au printemps 2015.
      “Les symboles sont sacrés”. Voilà ce que l'on peut lire en gros titre sur un article de Granma, journal officiel du parti communiste cubain.  Ne voulant pas voir rabaisser les deux idoles à de simples produits commerciaux, la presse officielle dénonce “cette grave erreur” qui ne restera pas impunie. Des sanctions sont déjà envisagées contre Mario Valdés Rodriguez,
irresponsable créateur des parfums polémiques. Pour appuyer leur raisonnement indiscutable, le
comité exécutif du conseil des ministres prétexte alors la désapprobation éventuelle des familles des deux héros. 
      Le communiqué s'achève paradoxalement sur cette menace : “des initiatives de ce genre ne
seront plus jamais tolérées par notre peuple ni par notre Gouvernement Révolutionnaire”.
   Comment se fait-il que dans ce pays dit révolutionnaire, un parfum dédié aux figures emblématiques de la révolution soit vilipendé de la sorte ? Les intentions premières du laboratoire étaient en effet, de “rendre hommage” aux deux ex-commandants et de “contribuer à ce que leurs noms perdurent”. Cependant, le parti communiste cubain a perçu cela plutôt comme une provocation, doublée d'un coup marketing; les deux héros étant idolâtrées depuis leur arrivée triomphale au pouvoir dans leurs pays respectifs, il est encore aujourd'hui impensable (ô malheur !) de porter une telle atteinte à leur image, plus encore dans le but d'une utilisation commerciale.
        Ainsi, suite à cette condamnation, LABIOFAM s'est vu dans l'obligation de céder à la volonté de l'Etat, c'est-à-dire mettre un terme au lancement de la campagne marketing des parfums et adresser ses plus plates excuses aux membres des familles Guevara et Chávez dans un communiqué officiel, consultable sur leur site web : “Lamentamos enormemente la mala interpretación y dudas que ha generado la publicación de esta noticia. Le expresamos nuestras mas sinceras disculpas al respecto”(*ndt). Le laboratoire rappelle également sa position de structure socialiste étatique dont les engagements doivent être en total accord avec les valeurs du peuple.
       
       Cet exemple nous montre donc que les heures flamboyantes de la dictature à Cuba sont loin d'arriver à leur terme. Surtout lorsque l'on apprend que le directeur de LABIOFAM, José Castro, est en réalité le neveu de l'actuel dirigeant du pays, Raul Castro. Comme quoi, en plus des symboles, la famille aussi c'est sacré. Et aux Castro de rester seuls maîtres à bord du navire cubain.

* « Nous regrettons énormément la mauvaise interprétation et les doutes qu'ont généré la publication de cette nouvelle. Nous vous présentons nos plus sincères excuses à ce sujet »



Sources

Articles
 « A Cuba, les parfums "Ernesto" et "Hugo" tombent à l'eau », La Tribune, 28/09/2014
« Los símbolos son sagrados », Granma, 26/09/2014
« Perfumes “Hugo” y “Ernesto” huelen mal al gobierno de Cuba », La Opinión, 28/09/2014
Vidéo
« "Ernesto" et "Hugo", las nuevas fragancias cubanas », El País, 26/09/2014
Site internet
http://www.labiofam.cu

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