Ernesto et Hugo,
parce qu'ils le valent bien ?
Lucie Petitprez et Gabriel Vallejo
En septembre dernier, lors de son congrès international à La Havane, le
laboratoire pharmaceutique de l'Etat LABIOFAM a annoncé la sortie
prochaine de Ernesto et Hugo, deux parfums "révolutionnaires" en
hommage à l'ancien président vénézuélien Hugo Chávez et au leader
guerillero Ernesto “Che” Guevara.
Qui n'a jamais rêvé, lors d'une soirée de gala, de porter Hugo aux
arômes d'agrumes et de fruits tropicaux ou encore faire tourner la tête
de ces dames grâce au parfum Ernesto, boisé et doux ? Malheureusement,
ces fragrances pleines de virilité ne verront jamais le jour, suite à la
décision sans appel du gouvernement cubain d'interdire leur
commercialisation normalement prévue au printemps 2015.
“Les symboles sont sacrés”. Voilà ce que l'on peut lire en gros titre
sur un article de Granma, journal officiel du parti communiste cubain.
Ne voulant pas voir rabaisser les deux idoles à de simples produits
commerciaux, la presse officielle dénonce “cette grave erreur” qui ne
restera pas impunie. Des sanctions sont déjà envisagées contre Mario
Valdés Rodriguez,
irresponsable créateur des parfums polémiques. Pour appuyer leur raisonnement indiscutable, le
comité exécutif du conseil des ministres prétexte alors la désapprobation éventuelle des familles des deux héros.
Le communiqué s'achève paradoxalement sur cette menace : “des initiatives de ce genre ne
seront plus jamais tolérées par notre peuple ni par notre Gouvernement Révolutionnaire”.
Comment se fait-il que dans ce pays dit révolutionnaire, un parfum
dédié aux figures emblématiques de la révolution soit vilipendé de la
sorte ? Les intentions premières du laboratoire étaient en effet, de
“rendre hommage” aux deux ex-commandants et de “contribuer à ce que
leurs noms perdurent”. Cependant, le parti communiste cubain a perçu
cela plutôt comme une provocation, doublée d'un coup marketing; les deux
héros étant idolâtrées depuis leur arrivée triomphale au pouvoir dans
leurs pays respectifs, il est encore aujourd'hui impensable (ô malheur
!) de porter une telle atteinte à leur image, plus encore dans le but
d'une utilisation commerciale.
Ainsi, suite à cette
condamnation, LABIOFAM s'est vu dans l'obligation de céder à la volonté
de l'Etat, c'est-à-dire mettre un terme au lancement de la campagne
marketing des parfums et adresser ses plus plates excuses aux membres
des familles Guevara et Chávez dans un communiqué officiel, consultable
sur leur site web : “Lamentamos enormemente la mala interpretación y
dudas que ha generado la publicación de esta noticia. Le expresamos
nuestras mas sinceras disculpas al respecto”(*ndt). Le laboratoire
rappelle également sa position de structure socialiste étatique dont les
engagements doivent être en total accord avec les valeurs du peuple.
Cet exemple nous montre donc que les heures flamboyantes de la
dictature à Cuba sont loin d'arriver à leur terme. Surtout lorsque l'on
apprend que le directeur de LABIOFAM, José Castro, est en réalité le
neveu de l'actuel dirigeant du pays, Raul Castro. Comme quoi, en plus
des symboles, la famille aussi c'est sacré. Et aux Castro de rester
seuls maîtres à bord du navire cubain.
* « Nous
regrettons énormément la mauvaise interprétation et les doutes qu'ont
généré la publication de cette nouvelle. Nous vous présentons nos plus
sincères excuses à ce sujet »
Sources
Articles
« A Cuba, les parfums "Ernesto" et "Hugo" tombent à l'eau », La Tribune, 28/09/2014
« Los símbolos son sagrados », Granma, 26/09/2014
« Perfumes “Hugo” y “Ernesto” huelen mal al gobierno de Cuba », La Opinión, 28/09/2014
Vidéo
« "Ernesto" et "Hugo", las nuevas fragancias cubanas », El País, 26/09/2014
Site internet
http://www.labiofam.cu